L'île aux parfums
Au 17è siècle déjà, l'officier anglais Robert Hunt s'était surpris à rêver de lendemains en forme de corne d'abondance pour cette île qu'il avait baptisée Assada, et où ne vivaient encore que les gardiens des troupeaux de quelque roitelet de la Grande Terre. Il voyait déjà des plantations de canne à sucre un peu partout et, une fois l'île mise en valeur et le commerce fructifié, la possibilité de nourrir 100.000 personnes au bas mot ! Au fil du temps Assada est devenue Nosy Be, et la canne s'est effectivement installée dans la durée.

Nosy Be, “l'Ile aux Parfums” avec, dès l'arrivée à l'aéroport de Fascène, les senteurs enivrantes de la cannelle, de la canne à sucre, de la vanille, du frangipanier, et surtout des fleurs de l'ylang ylang. Un arbre à la mine torturée, car sa croissance est à dessein bloquée pour le bonheur des élégantes du monde entier. Il fleurit toute l'année, mais plus particulièrement de novembre à mars avec les pluies nocturnes. 500 hectares produisent 800 tonnes de fleurs et 20 tonnes d'huile essentielle par an, soit une bonne centaine de kilos de fleurs soigneusement cueillies à la main pour obtenir 2,5 kilos d'huile d'ylang ylang ! Si, dans l'univers feutré de la parfumerie, la cote du jasmin et celle de la rose sont en permanence au plus haut, l'ylang ylang a pour lui la magie de ses origines qui sentent bon les îles et les mers lointaines...

Ici tous les chemins mènent à la mer, ou en viennent. Même là-haut sur les 300 m du Mont Passot elle ne manque pas de rappeler son omniprésence et sa proximité en offrant au promeneur un panorama atteignant l'Archipel des Mitsio au Nord et les Iles Radama au Sud. Vus de ce belvédère, les couchers de soleil sur les eaux du Canal de Mozambique sont légendaires, il est même conseillé d'encore rester après la disparition de "l'oeil du jour" pour suivre les ultimes changements de luminosité. Les pages des magazines parleront avec une inspiration non feinte des plages bordées de cocotiers et de villages de pêcheurs, de la solitude des baies et des criques, autant de tableaux de Gauguin figés dans leur beauté que seul anime la course silencieuse des pirogues ou, de temps à autres, le bateau blanc d'un plaisancier.
Car la mer c'est aussi et surtout l'appel du large, et à Nosy Be les adeptes de la pêche ne manqueront jamais de matière pour parler de leur passion. Palangrotte, lancer, ou grande traîne, selon la technique choisie ou le mois de l'année, l'abécédaire des prises n'accusera guère de page blanche de l'angoho au thazard ou au thon jaune en s'attardant sur le black marlin, le barracuda, l'espadon voilier ou le jobfish… La mer peut aussi se voir "d'en dessous" car les eaux de Nosy Be et de ses îles possèdent des spots de plongée parmi les plus beaux de Madagascar : Greg Wall aux îles Radama, le Banc du Petit Castor aux Mitsio, le Corail Noir au Nord-Ouest de Sakatia, Nosy Kivingy entre Nosy Be et Nosy Iranja, l'épave Zaïda coulée exprès à 2 milles d'Ambatoloaka, et bien d'autres encore. La mer enfin, c'est la navigation tranquille d'une île au nom qui chante à une autre, qu'elles s'appellent Nosy Komba, Nosy Faly, Nosy Tanikely ou Nosy Mamoko. Hors du temps, loin du monde...

Nosy Be n'est pas pour autant une planète à part, car elle est aussi un des berceaux de l'histoire et de la culture Sakalava prédominantes sur toute la côte Ouest. La visite des sites traditionnels permet de mieux connaître l'origine, l'identité, la religion ancestrale "Tromba" de cette ethnie. On pourrait citer l'Arbre Sacré, un important lieu de prière. C'est sous cette variété de Ficus que Bouddha aurait eu son illumination. Mahabo Manangarivo qui abrite les restes de la reine Binao et de son frère Amada I. Les vestiges de la cité fortifiée de Mahilaka ou ceux d'Ambanoro aujourd'hui envahis par les banyans. Les Lacs Sacrés, demeure éternelle de l'esprit des anciens souverains sakalava et antakarana. L'Espace Zeny qui s'occupe du site de l'Arbre Sacré s'efforce d'entretenir et de promouvoir ce volet trop longtemps occulté. Pour que Nosy Be ne soit pas qu'un produit, et que son âme ne s'égare sous le poids d'une notoriété parfois lourde à porter...
Texte : Thompson Andriamanoro
Photos Pierre-Yves Babelon
Remerciements à Madavoile, Nosy Be Hôtel, Vanila Hôtel