Tulear (Toliara)

"La ville blanche"

Tulear, Madagascar

L'Oiseau-Roc des Mille et Une Nuits a existé ailleurs que dans les contes ! C'est en 1868 qu'Alfred Grandidier en découvrait le premier gisement fossile dans une mare à Ambohisatrana près de Tuléar à Madagascar. "J'y entrais et, me baissant, je tâtais le fond où, sentant un objet, je le pris. L'ayant lavé, je vis avec surprise et joie que c'était un os gros comme ma cuisse ! Enthousiasmés, avec quelques uns de mes hommes nous nous mîmes à fouiller la boue tapissant le fond de la mare, et en retirâmes plusieurs autres os de l'oiseau colossal, de cet Aepyornis qu'on ne connaissait encore que par ses oeufs d'une capacité de huit litres et quelques débris indéterminables…"

Grand Sud de toutes les surprises, où les déchirements du Beko vocal rappellent étrangement le Blues de quelque lointain Alabama… La pureté de l'atmosphère se traduit ici par les nuits étoilées certainement les plus belles que l'on puisse admirer. Et on comprend déjà un peu mieux le surnom de "Tsy Miroro" - qui ne dort jamais - donné à Tuléar. La "Ville Blanche", autre qualificatif, aime les nuits de la même couleur, elle qui passe déjà ses journées à somnoler sous un soleil implacable. Toutes les occasions sont prétextes à joie d'autant plus qu'elles sont rares. Même là-bas chez les Vezo d'Anketrake, la circoncision collective du "Savatse" qui rassemble des centaines d'enfants dure 4 jours dans une suite ininterrompue de "jihe" - danses - et de chants folkloriques autour du Hazomanga sacré.

Tulear, Madagascar

Sud de toutes les découvertes, avant tout d'une végétation à nulle autre pareille qui eut le don d'épouvanter les voyageurs des siècles passés. Plantes grasses de toutes sortes, arbres-pieuvres ou arbres-cierges qui dressent au ciel leurs candélabres décharnés, euphorbes arborescentes au latex caustique, baobabs bouffis en forme de bouteilles… Décrivant le vontaka, Robert Drury parlait "d'un arbre ou d'une plante, je ne sais comment le désigner, qui ressemble à une quille et que surmontent deux ou trois branches portant de très longues feuilles. L'écorce est blanchâtre, de la couleur du plomb oxydé par l'air". Lyautey, tout militaire qu'il fut, n'était pas le plus serein ! "Un taillis d'arbustes fantastiques, le rahondra ou l'arbre à saucisses, le famata où chaque feuille est remplacée par quelque chose comme un cornichon… C'est horrifiant. Toutes ces branches vous entourent, vous menacent comme des tentacules. Une belle fleur rouge s'épanouit, engageante. Vous la touchez, elle vous blesse. Un arbre hypocrite vous repose l'oeil, avec un air bénin de saule pleureur. Cette fois c'est bien une feuille, de ce pâle argent que reflètent les étangs de chez nous. N'y touchez pas, elle est hérissée d'épines !".

Tulear, Madagascar

Pays de la mer, avec une des plus longues barrières coralliennes au monde s'étendant sur 300 km d'Andavadoaka au Nord à Itampolo au Sud. Pratiquement à mi-distance de ces deux villages, Tuléar est la tête de pont idéal pour la découverte d'un littoral prodigue de sites exceptionnels. Qui choisira le Sud résistera difficilement à la beauté authentique d'Anakao, "capitale" des Vezo, à moins de 2 heures de vedette. Le débarquement est déjà tout un programme avec une navette jusqu'à la rive effectuée en… charrette à zébus ! Le campement des pêcheurs se trouve au sud près du petit village d'Anakao Ambany qui réussit la performance plutôt rare de posséder 5 églises. L'îlot de Nosy Ve, en face du site, abrite la seule colonie de paille-en-queue de tout Madagascar et est un lieu sacré des Vezo Sarà qui y accomplissent des rituels depuis des temps immémoriaux. Même les baleines à bosse connaissent l'endroit, et viennent y batifoler lors de leurs migrations annuelles. De Tuléar vers le nord, cette "route" du bout du monde qu'est la RN9 n'a rien à envier aux grands itinéraires de rallyes africains. A la différence près que la verdure n'est jamais totalement absente, et que la circulation est relativement fournie avec les camions faisant office de transports en commun, les charrettes à zébu et les troupeaux de chèvres. Et c'est surtout la route menant à Ifaty, un des plus beaux sites de villégiature balnéaire de l'île. Après pareil parcours de combattant, se prélasser dans ses eaux est comme recevoir un trophée mérité…

Même les tombes sont des hymnes à la vie. Elles peuvent être de véritables mausolées peints de couleurs vives d'où toute tristesse est bannie. Sur les poteaux funéraires sont sculptés la personnalité ou le passe-temps favori du défunt, qu'il soit cycliste, gendarme, passionné de domino, ou qu'il ait une mémorable fois pris l'avion. Ils perpétuent semble-t-il le flux vital. Comprenne qui pourra et que la fête continue. Pour l'éternité.

Texte : Thompson Andriamanoro
Photos Pierre-Yves Babelon
Remerciements à Ankasy Lodge, Salary Bay, Lakana Vezo, L'Escapade

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