“Qui est salé”

“Akory lahaly e !” Cette salutation bien betsimisaraka et la chaleur moite propre à la Côte Est suffisent aux passagers des taxi-brousse il en part environ 80 chaque jour de la capitale pour se voir déjà à bon port. Quand bien même ils ne seraient encore qu'à Antsampanana, "le carrefour" du PK 216, avec de part et d'autres de la nationale les étals de fruits tropicaux et de bananes séchées enveloppées dans leurs feuilles. Les "hotely gasy", comprenez les gargotes, de ce hameau sont courus par les routiers pour leur variété de plats allant du poisson frit au sanglier en transitant par le cassoulet et l'anguille à la malgache…
Mais les carrefours sont faits pour qu'on les quitte. Parlons plutôt de Manambato et du lac Rasoabe peu après Brickaville à 7 km de piste de la grande route, autre “porte” menant à Tamatave< mais par la voie des eaux. Celles des Pangalanes qu'un grand magazine français de tourisme qualifiait avec une pointe de nostalgie de canal oublié. Il l'est un peu moins aujourd'hui, le draguage de ses eaux ayant commencé sur 240 km entre Tamatave et Mahanoro. Le Roi, la Reine, et l'Intrigante, ainsi pourrait se définir l'histoire des lacs Rasoabe et Rasoamasay qui en fait n'en font qu'un, mais sont séparés par deux langues de terres qui s'avancent l'une vers l'autre et se croisent sans se joindre. Le roi Darafify aurait donné le grand à sa légitime Rasoabe, et le petit à sa maîtresse Rasoamasay. Le plan d'eau est superbe mais pour ne pas qu'il se fâche, interdiction absolue de consommer de la viande de porc ou de se livrer à des fantaisies amoureuses…

Akanin'ny Nofy “le Nid du Rêve” au bord d'un autre lac “pangalanien”, celui d'Ampitabe, n'est accessible que par des navettes en vedette au départ de Manambato, en attendant que le train ressuscite le temps d'avant. Celui des années 60 où Akanin'ny Nofy était un lieu de villégiature présidentielle. La nature a depuis repris ses droits, avec son ensorcelante beauté et cette impression d'être coupé de tout que les inconditionnels n'échangeraient contre rien au monde. Même la pluie n'a jamais empêché les randonnées, c'est même le moment où toute la forêt est en éveil…

Tamatave nous voilà ! cette ville est le premier port de Madagascar où accostent cargos et porte-conteneurs de tous les continents. D'ici part aussi le gros des exportations, avec une mention particulière pour les épices de cette Côte dont l'arôme plane avec obstination sur les quartiers en arrière-plan du front de mer. Le site fut découvert au 17è siècle par les navires de la Société de l'Orient et de la Compagnie des Indes Orientales. Aujourd'hui le port a accompli un saut de géant sur la voie de la modernité et de la performance, et ne cache pas ses ambitions de jouer les premiers rôles dans la zone occidentale de l'Océan Indien.
Mais Tamatave s'accommode mal d'une vocation uniquement utilitaire. Tous les clichés qui ont “fait” l'image qu'on garde d'elle sont encore bien là, les flamboyants en voûte sur certaines rues, les pousse pousse “tout terrain et tout temps”, les deux bazars, les vendeurs de noix de coco ou de colliers en graines de voaranto ou de vatsorokonangatra. Hier encore première destination du tourisme national, elle retrouvera son lustre. En attendant, les semaines ont l'habitude de (bien) finir en bordure du lagon de Foulpointe quand les petits marchands ne se font pas trop envahissants, auquel cas on pourra choisir de faire le tour du récif en pirogue traditionnelle. Ou plus loin encore à Mahambo, où le surf jurerait avoir retrouvé un morceau de sa Polynésie natale…
Texte : Thompson Andriamanoro
Photos Pierre-Yves Babelon
Remerciements à Eastern Tours, Neptune Hôtel