"L'apôtre des pauvres"

Le père Pedro Opeka est un religieux catholique né en 1948 à Buenos Aires, d'une famille d'origine slovène qui a fui la Yougoslavie.
Il arrive en 1970 comme missionnaire à Madagascar, à Vangaindrano, une des régions les plus démunies du sud-est. Il aide les paysans à améliorer la culture du riz, des céréales et du café. Il crée aussi des groupes de villageois et de jeunes pour les aider à bâtir des projets communs et à prendre en main leur avenir.
En 1989, après être allé avec de jeunes séminaristes sur les collines d'Antananarivo. Il y découvre femmes, hommes et enfants errant dans la décharge de la capitale, parmi les chiens et les porcs, attendant que les bennes déversent les déchets. Le père Pedro fonde alors l'association Akamasoa qui signifie en malgache "Les bons amis". Son objectif consiste à redonner une dignité humaine aux plus pauvres grâce à un logement décent qu'ils contribuent eux même à construire, à scolariser les enfants en leur offrant un travail rémunéré. En 27 ans, l'Association a accordé une aide d'urgence à plus de 34.000 personnes en détresse. Elle en accueille 17.000, dont 11.000 enfants scolarisés dans les 18 villages qu'elle a construits.

L'association Akamasoa a bâti plus de 3.000 habitations en briques, 324 classes dans des écoles neuves, des dispensaires, des stades... et assure un salaire à plus de 3.000 personnes (carrières de granit, fabrication de briques, pavage des places, des rues et routes, maçonnerie, menuiserie, charpente, construction métallique, mécanique, cantines, fleurissement, nettoyage, artisanat d'art, etc.) sur plusieurs sites à Madagascar. Le père Pedro se bat pour autofinancer une partie de son association et finance aussi son combat contre la misère en voyageant à travers le monde pour susciter des dons.
Le Père Pedro a été nommé Chevalier de la Légion d'Honneur en février 2008 et s'est vu décerner le prix international du Cardinal Nguyen Van Thuan au Vatican, pour son action en faveur des droits de l'homme. Plusieurs milliers de membres actifs soutiennent régulièrement son action, il a même été sur la liste des nominations au prix Nobel de la Paix en 2013 et 2015.
Interview du Père Pedro
Thompson Andriamanoro : Vous êtes une grande figure médiatique, cela vous irrite-t-il que certains vous prennent pour une star ?
Père Pedro : Cela ne m'irrite pas que les médias viennent ici répercuter notre lutte contre la misère humaine, et témoigner qu'on peut vaincre la pauvreté, pas avec de beaux discours, mais par l'action. Je ne suis en fait que la face visible de l'iceberg, avec moi il y a 400 collaborateurs, tous malgaches. Ici nous avons arraché des milliers d'enfants et leurs familles de la décharge. Quand la presse voit cela elle vient avec respect, et nous la recevons toujours avec respect.
T.A : Quand vous êtes arrivé à Madagascar vous étiez un missionnaire envoyé par votre congrégation. Depuis, on a l'impression que votre combat est devenu une cause personnelle ?
P.P : Je suis toujours >missionnaire>. Je ne suis pas devenu prêtre pour être fonctionnaire, mais pour être près des hommes, guérir les pauvres de cette maladie qu'est le désespoir. Beaucoup sont venus ici en disant "resy izahay" (nous sommes vaincus). Je leur ai répondu "si vous êtes vaincus, il n'y a pas de place pour vous ici. Mais si vous voulez travailler, vous êtes les bienvenus". Sur ce site d'Andralanitra qui était une décharge, je lis et comprends l'Evangile autrement que dans une maison où il ne manque rien. Bien sûr, je suis allé un peu plus loin dans l'engagement, mais avec la bénédiction de mes supérieurs qui au début étaient un peu sceptiques...
T.A : Votre Association Akamasoa est implantée sur d'autres sites ?
P.P : On a commencé à Manantenasoa là haut sur les collines où il y a aujourd'hui plusieurs quartiers comme Mahatsinjo, Mangarivotra, ou encore Tsaramasoandro. Nous sommes aussi du côté d'Ambohimangakely, près de Betsizaraina. A 60 km au Nord d'Antananarivo sur la route de Majunga, Antolojanahary est un village écologique. Nos 1.400 enfants qui y vivent plantent entre 20.000 et 30.000 arbres par an loin des télés et des photographes. Nous travaillons enfin aussi dans la brousse du côté d'Alakamisy Ambohimaha et Vangaindrano.
T.A : Les colères du Père Pedro sont légendaires ! Est-ce un sentiment d'impuissance, ou une révolte contre l'indifférence ?
P.P : Un peu de tout cela ! Comment tolérer que des enfants se meurent ou se perdent physiquement, spirituellement ou moralement ? Face à l'indifférence on crie, ça a au moins le mérite de réveiller certains. Mais il n'y a pas que la colère, car les gens ne me suivraient alors plus...
T.A : Père Pedro, qu'y a-t-il donc entre Madagascar et vous, une histoire d'amour ?
P.P : Bien sûr, autrement ma mission se serait peut-être déjà poursuivie ailleurs ! J'aime ce pays, les gens, la bonté naturelle des enfants, des paysans... Mais je vois aussi comment la vie peut les détruire. C'est pour cela qu'a été créé ce projet, avec les malgaches car c'est leur pays et ils doivent être en première ligne. Pour que l'amour dont vous parlez ne soit pas que des mots, mais une réalité.
Site web de l'Association de Soutien à
l'action du Père Pedro Opeka : http://www.perepedro.com
Le Père Pedro sur Wikipedia
Photos Pierre-Yves Babelon