"Là où les eaux sont riches en sel"

Pour parler d'Antsirabe, les plus érudits préfèreront égrener des dates, et elles sont effectivement légions à avoir marqué l'histoire de cette belle ville d'eaux. 1872 par exemple, avec l'installation du pasteur norvégien Rosaas, véritable père du thermalisme antsirabéen, qui découvrit aussi d'intéressants fossiles qu'il envoya au Musée d'Oslo. Ou 1873, quand la Reine Ranavalona II y fit une halte mémorable sur sa route vers Fianarantsoa avec une suite estimée à plus de 60 000 personnes. Pourquoi pas 1903, année où Antsirabe détrôna Betafo en tant que principale ville du Vakinankaratra, 1922 qui vit l'inauguration du premier grand hôtel pour les curistes, suivie peu après par celle de la gare ?
Les années 50 ne sont pas non plus dénuées d'intérêt, avec l'exil en terre malgache du Roi du Maroc. C'est même à l'hôpital “Atsimo” qu'est née la Princesse Lalla Amina, laquelle tint à revenir en pèlerinage en 2003 pour inaugurer la Place Mohamed V. Mais pour la jeunesse, celle d'aujourd'hui comme celle d'avant-hier, “Bira” de son diminutif est avant tout la ville du groupe folk légendaire des Mahaleo qui n'a pas pris une ride depuis 40 ans…

Ville industrielle grâce au textile, au tabac, à l'agroalimentaire, Antsirabe est réputée pour son cadre environnemental et sa tranquillité. Ses larges avenues tirées au cordeau bruissent d'une circulation épargnée par la pollution car dominée par les bicyclettes et les confortables pousse-pousse. Cette sérénité que colporte avec bonheur la quadri des cartes postales cède la place, au bout de quelque rue transversale, à des quartiers plus traditionnels avec leurs commerces et leurs maisons tassées les unes contres les autres au fond des courettes. 70% de la population d'Antsirabe est d'origine rurale, et on ne s'étonnera pas que la randonnée en milieu paysan soit ici très appréciée, suivant des itinéraires modulables pouvant inclure des villages d'artisans ou de forgerons, ainsi que la moyenne montagne chez les chercheurs de pierre.
Il fait très frais en hiver et certains petits matins enveloppés de brume peuvent se lever sur des dépôts de givre recouvrant les pelouses. Cela fait aussi le charme d'Antsirabe, comme ses grands “classiques” que sont le Parc de l'Est, l'hippodrome, les lacs Andraikiba et Tritriva. Et pour terminer comme on a commencé sur une date, pourquoi pas celle de 1935, année de naissance dans un superbe décor de montagnes vosgiennes du tout premier golf de Madagascar ? À Antsirabe, bien entendu…
Texte : Thompson Andriamanoro
Photos Pierre-Yves Babelon